Jonas (3)

Publié le par ap

3 - L'autre

Cela faisait deux soirs de suite qu’Elle constatait les faits. Le poste de pilotage où elle avait pris ses quartiers, depuis le départ d’Ulysse et de Marine, était visité en son absence. Et ce n’étaient pas des rats! ...Ils avaient tous été bouffés ! Les placards où elle stockait précieusement ses dernières provisions, avaient bel et bien été fouillés et, plus grave, celles-ci sérieusement entamées. Non elle ne rêvait pas ! L’autre, n’avait même pas pris la peine, cette fois-ci, de refermer les portes. Elle trouva justement sur le sol des indices lui confirmant que le voleur avait consommé sur place une grande partie de son larcin. Et elle qui se croyait seule… Et voilà que, maintenant qu’elle s’était décidée à partir, elle découvrait qu’une autre personne était encore sur cette épave.  

Ce qu’Elle avait du mal à admettre c’était comment ils s’avaient pu ainsi s’éviter jusque là, et surtout comment l’autre avait pu tenir aussi longtemps. Disposait-il lui aussi d’une réserve d’eau suffisante, et si oui, où se trouvait-elle? Et enfin comment l’autre était-il nourri durant toutes ce temps? Avait-il lui aussi tenu grâce la réserve de rats séchés et la purée de cancrelats ? Où était-il à présent ?

Elle eut un léger frisson à l’idée que l’autre aurait pu venir n’importe quand durant cette nuit et la surprendre dans son sommeil. Elle savait que, qui que soit l’autre, elle devrait se battre pour défendre sa peau. Enfin ce qu’il en restait, car Elle n’était plus très épaisse, mais suffisamment encore pour servir de repas.

Elle verrouilla les deux accès de la cabine, puis retourna dans la salle de communication qui lui servait de couchette. Sa décision était prise, elle partirait cette nuit même. Elle avait pris le temps d’étudier les cartes restées à bord, de noter les fosses qu’il lui faudrait contourner, de calculer ainsi, au mètre près, la distance qui la séparait de la côte. Elle avait cependant compté sur ses provisions exactes et craignait maintenant de ne pouvoir tenir ces 200 kilomètres…

Le vent qui n’avait pas faibli s’engouffrait dans les centaines de couloirs et dans les cuves . Une chance : il couvrirait ses pas et des cliquetis de son matériel. Avec précaution, elle s’était avancée pieds nus jusqu’à l’extrémité de la passerelle. A la main elle tenait le crochet d’acier que lui avait laissé Ulysse avant de partir. Elle hésitait sur la marche suivre… Le plus court était de descendre jusqu’au premier pont, prendre la coursive à bâbord  et d’atteindre l’échelle à flanc de la coque, mais cette zone n’était pas éclairée par la lune. Elle redoutait que l’autre soit tapi quelque part dans l’ombre du pont. Avait elle vraiment le choix maintenant?

Elle commença à descendre une à une les marches de l’escalier à claires-voies en prenant toutes les précautions. Arrivée à l’entrée de la coursive elle fit une pause pour calmer ses pulsations cardiaques

. Le dos plaqué contre la paroi de métal froid elle écoutait vibrer le ventre du tanker sous les assauts incessants des rafales de vent, essayant dans ce gémissement devenu familier au cours des jours de discerner un bruits ou un son étranger. La peur l’avait envahie comme une ombre qui se déploie, paralysant ses muscles. Elle devait traverser la coursive, il fallait traverser… Elle s’était décidée, avait franchie la porte et à tâtons avançait un longeant la cloison.

Tout alla très vite. Comme un animal, qu’elle était en partie devenue, elle sentit l’autre se détendre dans l’ombre. Elle se baissa pour éviter le choc. Un bruit sourd de tôle, un choc pesant… Elle s’était retournée à genoux fouillant l’air de la pointe de métal acéré. Elle sentit qu’elle accrochait quelque chose, mais une coup terrible à l’estomac la fit chaviver. Elle roula sur le côté. Une main l’avait saisie au pied. Le crochet frappa encore, produisant des étincelles contre l’acier. De nouveau le choc mou de la tige recourbée accrochant la chair, suivi un hurlement féroce. Le crochet venait de lui échapper de la main. Elle tenta de se dégager de l’emprise qui enserrait sa cheville en poussant avec la jambe libre.. L’autre tira d’un coup sec et elle tomba sur le dos. Sa tête heurta le sol dur. Elle n’eut pas le temps de faire grand-chose. Une pluie de coups s’abattit sur ses jambes, son ventre et sa tête. Elle se sentie soulevée puis projetée dans la coursive. En retombant Elle sentit le craquement sec de son avant bras droit, maintenant l’autre était sur Elle grognant et frappant. Se sentant comme un pantin désarticulé, Elle perdit connaissance.

[...]

 > Planches (sur étaton)

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