Jonas (2)

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2

( Jonh Asse)

« Longtemps, je me suis élevé  bricolé des bonheurs. De petits bonheurs privés, ralentis par la course des trains qui passaient entre moi et les vaches d’en face… »

Elle posa son crayon entre les pages du petit carnet, qu’elle referma en tendant l’élastique jaune. Combien de temps devrait-elle attendre le retour d’Ulysse et de Marine? Elle parcourait machinalement le désert marin à l’aide des jumelles, trouvées dans le poste de pilotage. L’horizon dégagé ne laissait rien venir.

Peut-être faudrait-il envisager, à son tour, de partir. Quitter l’épave et tenter de rejoindre la terre ferme… Cette expression la fit sourire. Elle y était sur la terre ferme! Il semblait bien même qu’il n’y avait plus que ça ! La planète s’était asséchée si soudainement qu’elle avait du mal à croire – et c’était d’ailleurs aussi l’avis d’Ulysse – que l’eau, toute l’eau, s’était évaporée comme ça… ça ne tenait pas debout cette histoire, il devait y avoir eu quelque part un transvasement… Demain, s’ils n’étaient toujours pas revenus, elle partirait à son tour... oui, demain… demain. Elle venait simplement de s’endormir.

**

Tout celà l’avait saoulé : ivre, il tourna le bouton du poste. Il restait si peu de temps qu’il n’allait pas tout gâcher comme ça, à écouter le énième extrait de la rediffusion de la Traviata

Il se leva et se dirigea vers la baie vitrée. La nuit entrait par la pièce ouverte. Sortant, il entrait dans la nuit. Penché à la rambarde, il regardait la masse fantomatique des immeubles, en face. Vides! Il n’y avait plus aucune lumière, pas le moindre spot bleu de ces écrans de télé qui battent comme un cœur dans les séjours, pas les geste familiers de ces femmes ou de ces hommes qui, 10 heures passées, s’agitent en cuisine pour faire la vaisselle ou pour la ranger. Rien! Le black-out complet ! Pas de bruit non plus : ni moto qui tourne en bas des tours, ni radio, ni dispute. Rien!

Avant (c’était quand déjà cet avant ?), de ce balcon, quand le temps était clair,  il voyait briller des rivières de diamants jusqu'à l’horizon. Là bas, en se penchant un peu, derrière la tour nord, il pouvait voir jusqu’à la Tour Effel. Aujourd’hui, il sait seulement qu’elle est là dans la nuit compacte.

Pourtant tout ce monde était encore là. Il le savait. Qu’attendaient-ils ? Pourquoi restaient-ils terrés derrière les rideaux baissés ? Certes, Il y avait eu les consignes de couvre-feu diffusées les premiers jours par haut-parleurs, dans les rues, puis à la radio. Après, c’est vrai, les blindés avaient pris positions à tous les carrefours. Ils y étaient toujours d’ailleurs, mais vides... abandonnés. Les premiers jours, il y avait eut pas mal de pagaille, des fusillades et quelques explosions. Les commentateurs de la chaîne nationale avaient évoqué tantôt un putch militaire, tantôt une invasion des milices jaunes, tantôt une catastrophe naturelle… Impossible savoir précisément de quoi il s'agissait.

Il était en voiture quand la première annonce avait interrompu le débat sur la campagne électorale... de toute façon pour ce qui s’y disait!

« Attention, suite à un communiqué du cabinet de la présidence, nous vous informons que les mesures de sécurité du plan d’alerte niveau rouge viennent d’être déclanchées sur tout le pays… Il est vivement recommandé de rejoindre au plus vite son domicile, ou un abri proche…Attention… »

Il avait quitté le périphérique engorgé et était passé par les vieux quartiers pour rejoindre sa citée. Partout, il voyait des gens paniqués courant en tous sens. De nombreux véhicules étaient arrêtés sur la chaussé, portières ouvertes, phares allumés. Cela sentait la panique. Sur le parking de l’immeuble des voitures brûlaient tandis que les habitants sortaient en désordre, certains munis de bagages, d’autres tenant la mains de leurs enfants. On se serait cru dans un roman de Barjavel.

L’ascenseur était bloqué. il avait monté quatre à quatre les étages. Une fois chez lui,il chercha tout de suite à joindre des amis, mais l’autophone était saturé. Il hésita un instant à retourner à la voiture, mais l’explosion qu’il entendit le fit regarder à la fenêtre : un nuage de fumée s’élevait à la place où il s'était garé en arrivant...

La nuit était tombée. La radio diffusait maintenant des retransmissions d’émissions des années passées, entrecoupées de flashs d’informations alarmants et contradictoires…

[...]

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