Randonnée (2)
2/ Paul Rand aux Silos, notes éparses…
Donc, ette année, le Festival international de l’affiche et du graphisme de Chaumont a mis à l’honneur, aux Silos et au Musée de la crèche, le travail du graphiste Paul Rand. On trouvera par-ci ou par là, de nombreuses informations concernant cet auteur, il ne m’apparaît donc pas nécessaire d’en faire ici le portrait, par contre, après avoir longuement regardé une partie de ce travail, je voulais parler d’une ou deux choses qui ont retenu mon attention.
Prenons, par exemple, ses travaux de 1952 pour la marque de cigares El Producto.
Une verticale marron posée verticalement qui évoque une figure totémique (la bague de papier faisant l’effet d’un œil ?). L’allusion phallique du cigare n’étant pas à écarter.
Un chapeau stylisé et stylé (canotier) coiffe l’ensemble achevant de personnaliser cet élégant fumeur de cigare. Selon la formule de Max Ernst : « C’est le chapeau qui fait l’homme !».
Ce principe étant posé, il lui suffit donc de décliner les accessoires pour introduire une variante.
L’humour aidant, le parallèle entre l’inclinaison de la tour de Pise et le touriste (allemand ou autrichien) appuyé sur une cane donne le ton léger de cette campagne publicitaire.
Ces cigares emballés comme des paquets cadeau (christmas) pourraient tout aussi bien être une belle collection de cravates.
Le travail combiné du dessin, du découpage et de la couleur y est déjà fortement ancré. La simplification des formes, l’épure du dessin qui doivent beaucoup à des artistes comme Miro, Picasso et Matisse sont ici utilisés pour faciliter la lecture et favoriser la métonymie des figures utilisées. En cela d’ailleurs c’est davantage de Carlu, de Cassandre ou de Savignac que l’on peut le rapprocher.
Paul Rand : Affiche pour Dubonnet et illustration d’un livre pour enfant avec Ann Rand «Ecoute ! Ecoute !» Ed.L’ampoule

L’utilisation progressive du support photographique, inséré par découpes dans ses compositions sur le même plan que le dessin et la typographie, témoigne, par ailleurs de son intérêt pour les affichistes russes du début du 20e siècle, les photomontages de John Haertfield, ou ceux de Herbert Bayer.
La particularité du travail de Paul Rand me semble être dans la façon dont justement il joue sur la permutation des différents signes graphiques, faisant d’une forme découpée dans une image une lettre ou une autre image, d’une ligne l’enveloppe d’une figure ou encore d’une figure une lettre.
Ce jeu de substitution, qui rappelle le principe du rébus, est d’ailleurs le principe retenu pour la célèbre affiche Eye-Bee-M.
En sortant de l’exposition Paul Rand, aux Silos, je me suis demandé comment il était possible, dans un même temps, de présenter cette démarche plastique rigoureuse au service de produits commerciaux (IBM, abc, El Producto…) et de proposer pour le Festival du Graphisme de Chaumont une affiche qui prétendrait critiquer le principe même de cette démarche. Question d’époque ?

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