Les fils du temps
(Loren DiCioccio)
Prendre une diapositive, un cahier d’écolier, un jeu de cartes comme motif. Ne pas les peindre, ni les photographier. Choisir du tissu et des fils de cotons et broder pour reconstituer patiemment la forme par les signes qu’elles portent. Broder à la main pour restituer partiellement l’aspect d’objets fabriqués en série, d’images imprimées…
Broder, c’est faire à l'aiguille, sur une étoffe, des dessins (un chiffre, une fleur…) ou des ouvrages en relief (broder de fil d’or) : reproduire par une juxtaposition de points serrés un motif. Broder à s’user la vue ?
L’aspect banal (ordinaire voire désuet) de plusieurs de ces modèles (papier, film argentique, livres ou sacs plastiques) associée au jeu de patience de la brodeuse contient une double part de nostalgie, celle liée à ces « vieux » supports comparés à ceux utilisés dans les nouvelles technologies et, évidemment, celle liée à l’activité elle-même. On notera aussi au passage que le procédé est plus proche d’un savoir faire manuel que d’un concept.
Mais broder, en langage familier se dit aussi d’une façon d’amplifier ou d’embellir une histoire, un récit. Ainsi de ces journaux (supports éphémères de l’évènementiel) qui servent de trames aux images, ou de ces bouteilles vides (plus ou moins comprimées). Enjoliver l’ordinaire en rehaussant les couleurs, en transposant en tulle légère la trivialité du plastique ? Vanité.
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