L’informulé reste
Il y a longtemps, par hasard, découvrir, bouleversé, dans la fluidité de la pâte déposée sur une surface que l’évidence était là, informulée, maladroite mais tangible. Comprendre alors que tous les mots possibles auraient du mal à dire cela, imaginer que l'equivalence est tenable : creuser.
Peu à peu, apprendre à reconnaître les gestes ou les processus qui permettent d’y voir un peu mieux. (pas plus clair). La maladresse s’estompe, en partie. Pourtant tout, toujours, en peinture, recommence au coup de brosse suivant, comme au premier tableau. Penser que ce n’est pas encore ça, mais qu’avec un peu de travail ça va devenir... Creuser. L’informulé reste.
Tenter dès lors tout ce qui est possible, emprunter toutes les routes. Dans ces gestes sommaires qui balayent la surface une image vient, et parfois s’efface. Des carrefours tendent leurs bras. Bifurquer ou continuer ? Pressentir l’intérêt de s’engager sur un sentier plus escarpé : accepter ici de perdre quelque chose (et parfois perdre l’essentiel) : donc, recommencer pour vérifier ce que l’intuition laissait affleurer. Avancer à tâtons. Biffer, racler, essuyer…

Se prendre au jeu. Tenter d’affiner ou de déplacer une question vers d’autres territoires, ne pas en attendre une réponse : juste une éclaircie.
Pour certaines peintures, être pris de vitesse; s’enliser dans d’autres. Pester, puis prendre acte. Garder, recouvrir et continuer... ou recommencer? Accepter d’être submergé par telle poussée chromatique, d'être débordé par la main qui dérape. Les peintures se suivent, se ressemblent ou non. Chercher à saisir le lien entre elles, trouver un éventuel point commun auquel s’agrège la couleur ?
Se retourner indécis pour regarder toutes ces choses extraites du trou : voir que c’est bien de l’indicible qu’il s’agit. Finir par l’admettre sans renoncer : creuser encore.
C’est la peinture qui nous découvre.