Quelque part un jardin
Ulrike Thiele
Scheinbare Helligkeit (luminosité apparente), 2004-2006
Scheinbare Helligkeit (luminosité apparente) : un sol, une haie, un ciel, ou une futaie et la résille des branchages ; un plan horizontal et un plan vertical, découpés assez près dans le paysage, sans trop de profondeur. Un talus, une lisière, un bord de route, un fond de jardin où la figure est absente. Images des bords et des franges, lieux indéterminés, sans préférence géographique. Un terrain sec et sableux, un tapis de feuille, un fragment gris de bitume, des résineux, écrasé par une lumière crue, des feuillus jaunis en partie dénudés, un jardin verdoyant, des coins de paysage saisis au gré du climat. La lumière du soir sculpte un buisson en relief, détache une branche, l’ombre mange les sous bois absorbe les arrières plans. Le vent remue les frondaisons balayant l’air.
Ici est donc ce « quelque part », un ailleurs pourtant presque familier que ponctuent ces fragments du monde, que sont les instants de ce jardin mouvant qui décline ses gammes au gré des saisons, des situations et des lumières. Rien ne s’y passe vraiment sinon, peut-être, ces quelques micros évènements qui signalent la nature même de l’image photographique, sensible à la variation des lumières et au temps d’exposition.
Irgendwo ein ort (Quelque part un endroit), 1999-2000
Dans une série précédente intitulée Irgendwo ein ort (Quelque part un endroit), c’était le thème des chemins, des routes et des voies façonnant le paysage qui était abordé, dans une sorte de trajectoire fictionnelle depuis une piste sur plateau aride jusqu’aux abords d’une citée. Itinéraire symbolique conduisant en 9 photographies d’un milieu presque originel à un aménagement totalement artificiel du paysage. « Presque », parce que, à y regarder plus attentivement, les signes humains qui marquent les sites sont déjà présents : traces de roues dans l’herbe sèche, pylône électrique, marquage colorés des rebords de trottoirs, saignée dans la forêt vierge…
Entre la première et la dernière image, il y a cette amplification de la disparition progressive de l’idée de nature sous un ciel de béton, sans que, pourtant, on ne discerne une réelle critique. Il semble qu’il ne s’agit là que d’un simple constat de ce qu’est aujourd’hui notre paysage. On notera aussi le jeu de mot sur ort et hort, en allemand, qui signifie respectivement l’endroit et le refuge.
Sammlerinnen (Collectionneuses), 2003
___
Le travail de Ulrike Thiele est à découvrir sur son site