"Stop ...at any time."

Publié le par ap

(Jean-Christophe Norman)



En pénétrant dans la salle d’exposition, ce qui frappe tout de suite, c’est le mur de gauche, sa vibration particulière. Aux murs, quelques photographies en couleur accrochées régulièrement comme un chemin. Au milieu de l’une des grandes cimaises, sur la gauche, flottent deux bâches de Pvc noir qui donnent accès à une pièce sombre où sont diffusées face à face, sur la largeur des cloisons, deux vidéos. Dans cette première pièce, très lumineuse, les photographies, sur les murs, montrent des rues de New York où circulent quelques passants ; une ligne blanche, un peu chaotique passe d’images en image, sur l’asphalte d’un trottoir, le dénivelé d’une route cabossée... Sur d’autres photographies, disposées sur le mur d’entrée à droite, mais que l’on retrouvera en sortant, ces mêmes traces blanches, mais cette fois-ci disposées au carré, sur des terrasses de bâtiments. De près, les traces linéaires ou géométriques s’avèrent être des écritures, tout comme celles qui se trouvre tracées sur le mur, qui occupe la pièce dans toute la longueur. Ce sont les mêmes signes matérialisés dans les rues à craie (éphémère) et sur le mur blanc au marqueur noir. Mardi 14.07.0814 :02 :58 Mardi 14.07.08 14 :03 :59 Mardi 14.07.08 14 :03 :00 Mardi 14.07.08 14 :03 :01 Mardi 14.07.08 14 :03 :03 Mardi 14.07.08 14 :03 :04 Mardi 14.07.08 14 :03 :05 Mardi 14.07.08 14 :03 :06…etc. « Dix jours à couvrir totalement un mur (d’environ 10 mètres sur 4), d’une petite écriture aux calibrage irrégulier qui commence en haut à gauche, au niveau du plafond et finit, en bas à droite, au ras du sol » nous explique, encore visiblement sous le choc, la personne qui se tient au fond de la galerie, derrière une petite table. Des successions de secondes, de minutes, d’heures et de jours composent cette page d’écriture. Sur les clichés, ce sont donc les mêmes graphismes qui, accolés, forment des lignes ou des rectangles. « Il regarde sa montre à quartz et il écrit à l’instant le temps qui s’affiche, et comme ça parfois pendant des heures et des jours, sur un itinéraire tracé par avance qui traverse la ville… » précise encore la femme qui nous invite aussi à aller voir les vidéos. Dans la pièce sombre, une fois passé les deux pans souples de la bâche noire, comme celles que l’on trouve dans certains entrepôts de livraison, et qui forment une porte mouvante, ou un sas, on peut donc, dans un bruit légèrement assourdit, rappelant le brouhaha d’une ville, ici Tokyo, voir d’un côté se déformer à l’infini (sauf l’effet de boucle) une tache au reflets jaunes dans laquelle apparaît de temps à autres, discrète la présence d’un téléphone, ou plutôt l’icône d’un téléphone, et de l’autre, l’image frontale d’une rue cadrée en plan fixe sur un rideau métallique sur le quel est inscrit, en lettres blanches « …at any time. ». Dans un mouvement ralenti, des personnes et des automobiles franchissent le cadre, entrent et sortent du plan, par la gauche ou par la droite. Là encore l’image fait une boucle. Hélène Guérin, qui a écrit un texte de présentation, explique la nature de ces "écritures de temps" que l’artiste choisit d’inscrire à l’échelle humaine de sa marche dans le cœur des villes, effectuant ainsi une traversée à pas comptés (en crabe ?) dans les différents univers (up-town, down-town) avec la régularité têtue d’une horloge, rue après rue, seconde après seconde, minute après minute, etc… Car c’est ainsi que se constitue la ligne où s’absorbe ce marqueur d’instants, dans le vertige de cette progression fastidieuse…
« Jean-Christophe Norman développe des principes d’analogie, de supperposition et d’évocation d’espaces urbains autres en reproduisant précisément, par la marche, les contours d’une ville dans les rues d’une autre (Lisbonne-Berlin en 2006 ; Piotrkrow Trybunalsky- Paris en 2007) » peut-on lire sur un carton proposant une autre partie (ici non visible) d’un projet « Performance- In Progress - Constellation walks (Vilnius city limits) » qu’il réalisera au cour de l'année 2008.

Dehors il fait soleil, je regarde les ombres qui ondulent sur la nuque des passantes tout en remontant les rues.


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Stop… at any time.”
Jean-Christophe Norman
Exposition du 26 juin au 6 septembre 2008,
Galerie d’Art Contemporain, Hôtel de Ville, Besançon

On peut aussi découvrir son travail sur son site

Publié dans (re)vue

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E
Ça a l'air très bien : travail sur le temps...Je viens d'aller voir sur le site : travail sur le temps, la répétition, l'éphémère aussi ; très belles choses.
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