Rémanences (un grain de peu)
Tourmente du sommeil. C’était la nuit en plein jour : les étoiles parsemaient le parterre, éclairaient le buisson. Un corps cul de jatte, enroulé comme un coquillage, jambes en lames de ciseaux, tête renversée dans la courbe des bras abandonnés semblait dormir. Dans mon rêve, le corps se déformait comme de la patte à modeler, se retournait comme un gant. La nacre rose ourlait les plis du drap jusqu’à s’y fondre. Des notes de musique me parvenaient comme réfléchies sur l’eau calme d'un bassin. Une silhouette furtive glissait sur les dalles fraîches. L’air était lourd comme le pli des tentures rouges. Le corps se tordait lentement prenant des allures de poisson, puis ce fut une sirène échouée sur le sable...
Picasso Nu dans un jardin, 1934
Au réveil, il m’est revenu cette étrange peinture de Picasso, de 1934, et comme je cherchais d’où pouvait bien me venir les autres éléments, qui ici n’étaient pas présents, je me suis soudain souvenu, en regardant le mouvement lové des bras de la dormeuse, de cette autre peinture de Ingres intitulée Odalisque à l’esclave.
Ingres Odalisque à l’esclave, 1840 (The Fogg Muséum – Candbrige)
Là, tout y était ou presque! Dans mon souvenir, pourtant, l’arrière-plan ouvrait sur un jardin en perspective avec un bassin, alors qu’ici l’espace était clôt, confiné, feutré.
Ingres Odalisque à l’esclave, 1842 (Walters Art Museum – Baltimore)
Picasso a sans doute beaucoup regardé ce tableau car, outre la jeune femme endormie au jardin, d’autres toiles de la même période en porte la mémoire des formes.
Femme étendue sur un canapé, 1934