L’esprit d’escalier (2)

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2 – L’étroit espace du vertige (Balla – Hitchcock – Duchamp - Cage)

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Le vertige dont parle Robert Judith, dans son article, tourne autour de l’image de la mort : « le gouffre vers lequel elles (les trois femmes) glissent va bientôt les avaler ! » et « le sol s’ouvre sous leurs pas » ou encore «… cette rampe qui, plus qu’une protection, constitue le plus sûr moyen d’accéder à la bouche d’ombre autour de laquelle s’organisent les orbes d’une catastrophe annoncée ? » 

 

Cette interprétation symbolique lui donne d’ailleurs l’occasion de faire allusion à plusieurs reprises, par le titre et dans le texte (« En cadrant ses personnages de la sorte, Balla est à deux doigt de peindre une scène de cauchemar. […] Un récit fantastique pourrait débuter de la sorte. »), au film de Alfred Hitchcock : Vertigo (Sueurs froides). 

C’est le point de vue (et non le « cadrage » !) choisi par le peintre qui est à l’origine de ce parallèle. Dans le film de Hitchcock,  le personnage de John Ferguson, souffrant de vertiges à la suite d’une chute, est utilisé à son insu pour maquiller un meurtre. La célèbre  séquence de l’escalier dans le clocher utilise en effet un jeu de cadrages en plongé et contre plongée (caméra subjective) qui traduisent la perception du personnage et son malaise, l’empêchant de gravir les marches. Pourtant dans cette fameuse scène, l’escalier n’a pas la même forme que celle du tableau de Balla.

dsc04548.jpg« Vertigo » 1958 – [voir ici l’animation]

 

Par contre, la spirale comme principe du vertige est bien présente dans ce film, tant par l’aspect formel que sur le registre symbolique de la construction du récit.

dsc04548.jpgVertigo (extraits du générique), 1958

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Vertigo (extraits de la scène du musée), 1958
 
 « La figure de la spirale, utilisée comme telle dans le générique, revient comme un leitmotiv. C'est le chignon de Carlotta Valdes et de Madeleine, c'est l'escalier en spirale, c'est le parcours de la voiture de Madeleine se rendant chez Scottie en tournant autour d'une tour repère. C'est le tronc du séquoia où Madeleine situe sa propre mort. La spirale évoque le cheminement de la vie. Elle tourne autour de la vérité, du centre, s'en approche, puis s'en éloigne, selon le sens dans lequel elle se déroule. Elle provoque le vertige. … » [source cine club de caen]
 

Les motifs de différentes affiches ainsi que le générique sont d’ailleurs construits sur ce principe.

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Implicitement, si c’est à ce film que réfère l’article de Robert Judith à propos de la spirale infernale l’escalier de Balla, je ne peux, pour ma part, m’empêcher d’évoquer un autre de film, « Anémic Cinéma » de Marcel Duchamp (1926) ou l’auteur, utilisant le mouvement de disques optiques, nous livre à une réelle expérience d’hypnose où la lente rotation de lignes concentriques se combinent avec les calembours de Rrose Sélavie : l’aspirant habite Javel et j’avais la bite en spirale…

dsc04548.jpgM. Duchamp « anémic-cinéma », 1926 

Dans la version qu’il réalisa quelques années plus tard, avec John Cage, les images d’une femme descendant un escalier, filmées en « kaléidoscope » sont montées en alternance avec les mouvements de rotation des disques…

dsc04548.jpgM. Duchamp et J.Cage 

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Publié dans Réplique(s)

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