Carnages chez Cranach (2- bât l'eau)
(Lucas Cranach)
« Après avoir épuisé ses ruses, l'animal est gagné par la fatigue. Il est malmené, sa silhouette s'affaisse, il porte la hotte, tire la langue, ses membres raidissent; il est sur ses fins. » Souvenir du Duc de Brissac (*)
Malgré l’apparent désordre, amplifié par les courbes distendues du paysages, où s’agitent en tous sens personnages et animaux, on peut remarquer que le sens de lecture de ces tableaux est tout de même organisé, du haut vers le bas, décrivant chronologiquement, par lacets entrecroisés, le déroulement de la chasse : la levée du gibier dans les bois, par les cavaliers et la meute de chiens, la course pour l’épuiser, la traque pour l’amener jusqu’au plan d’eau et l’embuscade tendue de l’autre côté de la rive au plus proche de nous.
On observera aussi, dans cette série de tableaux, la hiérarchie des figures, leur emplacement (centrées/excentrées), les costumes (et les coutumes, comme l’importance d'un cheval blanc)… Dans cette profusion de détails, les Cranach se sont employés à restituer la perception chaotique de l’évènement, tout en respectant les conventions et les codes du rituel.
Deux éléments semblent cependant rompre avec la tradition de la représentation du moyen-âge. D’une part la chasse au cerf était exclusivement représentée en forêt profonde alors qu’ici il parait évident que l’issue s’appuie sur l’obstacle liquide, sorte de barrière naturelle qui ralentit la course et permet aux archets embusqués d’ajuster leurs cibles. D’autre part la profusion des cerfs chassés donnent l'impression d'un carnage.
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