cliché 15
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Il s'arrête sur le cliché de cette petite fille tenant entre ses bras un bébé. A sa gauche, une autre fillette, plus jeune (à moins qu’il s’agisse d’un garçon ?) est tournée vers le nouveau né. La scène a lieu dans la semi pénombre d’une pièce tendue d’une tapisserie à rayure, telle l’on en trouvait encore dans les maisons bourgeoises du début du XXe siècle. La lumière tombant d’une fenêtre éclabousse, au premier plan, la courbe d’une table ainsi que le nourrisson.
Une étrange pensée le traverse. Il songe, qu’avec l’introduction de la photographie familiale - mais peut-être déjà avant, au fond - la notion de sacré a soudainement disparue de l’image.
Sacré n’est sans doute pas exactement le terme… Comment expliquer alors que ce soit le premier qui lui soit venu ? Veut-il dire sacré en opposition à profane ? Sans doute, mais son idée reste diffuse. Comme si l’image, jusque là incarnée par la peinture ou la sculpture, avait eu une sorte de caractère religieux que ne proposait pas, plus la photographie.
En même temps, il mesure un paradoxe qui réside dans la matérialité de ces photographies et dans la nature de la représentation obtenue. Il se demande si le nouveau né n’est pas un simple poupon, un jouet. Il constate que ce n’est qu’une tache blanche.
Pures saisies de la lumière, via les sels d’argents photosensibles de la plaque (ou du négatif), celles-ci sont une matérialisation improbable du réel tout en étant une représentation plutôt proche de la réalité… Au contraire, la peinture serait une invention de la réalité.
Finalement, il relie quelques passages de
« La photographie devient pour moi un médium bizarre, une nouvelle forme d’hallucination : fausse au niveau de la perception, vraie au niveau du temps ; une hallucination tempérée en quelque sorte, modeste, partagée […] image folle, frottée de réel. » et « la magie chimique et lumineuse de la photographie permet la présence continuée de l’absent en l’émanation sans fin de l’instant de sa saisie. » ou « D’un corps réel, qui était là, sont parties des radiations qui viennent me toucher, moi qui suis ici, peu importe la durée de la transmission photographique de l’être disparu, elles viennent me toucher comme les rayons différés d’une étoile. »
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