Remarques brèves sur Joseph Beuys (1)
« Je réclame une meilleure forme de la pensée, de la sensation et de la volonté. Ce sont les véritables critères esthétiques. » J.Beuys
1 - Atone
Une grande partie des travaux de Joseph Beuys peuvent être définis comme atones, ne serait-ce que par l’absence de couleurs qui sont utilisées. La gamme chromatique générale tend entre le gris et le marron ; les jaunes et les ocres y sont fortement déclinés. Le rouge, discret cependant, agit souvent comme un contrepoint (effet de tampon, signe en croix cousu…). Certes, Beuys ne s’interdit pas l’utilisation des autres couleurs et nombre de ses dessins ou collages en portent les traces, mais celles-ci ne sont pas majeures.
On peut s’interroger sur cette absence relative de couleurs franches et sur la restriction de sa palette, mais la première raison réside à mon sens dans le fait que en tant que sculpteur, Beuys est attentif aux qualités chromatiques des matériaux, le bois, la tôle, le verre, l’ardoise, la craie, la cire, la graisse, le feutre… On peut remarquer aussi que ce n’est que progressivement que la couleur est venue s’immiscer dans ses travaux. La multiplication des supports imprimés dans les années 60 (« multiples ») est en grande partie à l’origine de cette émergence tardive.

L’autre raison de cette absence de couleurs est sans doute fortement liée aux thématiques qu’aborde le travail de Beuys et qui tournent essentiellement autour de la mémoire et de la mort. L’effet estompé ou altéré des matériaux y témoigne à la fois de l’idée d’usure et de fragilité tout en prenant acte d’une disparition annoncée. Les piles de journaux jaunissent, le métal rouille, le cuivre s’oxyde…
Cet aspect atone traduit, d’une certaine façon, le côté exhumé des objets qu’il met à jour et remet en circulation.
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