Neuf au Pape
Somme toute, l’effet d’accroche classique qu’avait produit la phrase seule retombait comme une meringue : les usagers rassurés d’avoir échappé au pire (quoique !) pouvaient à nouveau se concentrer sur leurs journaux préférés ou se plonger dans leurs mots croisés, les métro circulaient, le printemps réservait son lot de promesses… Le retour d’un pape star deux ans après sa mort ne tenait pas même pas du miracle.
Cette affiche rouge, qui ne présente pas d’un intérêt graphique m’a par contre donnée envie de revisiter une galerie de quelques portraits peints par Francis Bacon, grand croqueur de papes.
Pape II d’après Vélasquez – 1950
Tête VI, 1949
Ces premières reprises de Vélasquez sont loin d’être sereines. Déchirés, hachés par les coups de brosse sombres ces portraits semblent pris dans la tourmente. Une douche noire obscurcit les visages. La bouche ouverte comme une fosse absorbe le regard. L’espace de la toile est un cri suspendu,
Pape I, 1951
Pape II, 1951
Si la référence à Vélasquez est clairement indiquée par Francis Bacon, il n’en demeure pas moins que ses Papes s’inspirent tout autant de Titien que de Raphaël, tout au moins pour ce pour ce qui est du sujet.
Innocent X, 1953
Portrait II, 1953
Dans une autre série, datant de 1961, c’est la forme et la facture du vêtement qui évoque cette même viande.
Portrait avec viande, 1954
Pape VI, 1961
A la question de David Sylvester : « Pourquoi avoir choisi de représenter le Pape ? », Francis Bacon répondait : « Parce que je pense que c’était les plus grands portraits qui n’avaient jamais été faits, et aussi parce que cela m’obsédait. J’ai acheté tous les livres contenant la reproduction du Pape peint par Vélasquez, juste parce que cela me hantait et puis cela réveillait toutes sortes de sensations et m’ouvrait les portes de tout un imaginaire... »

A cette même question que j’avais posé à Francis Bacon en 1986, lors d’une rencontre insolite au bar des « Deux magots », à Aix en Provence, celui-ci, avait sourit avant de me répondre : «... Quelque chose d’incontournable auquel je voulais me mesurer… un archétype […] J’ai fait plusieurs peintures sur cette question […] c’était comme un fantôme qui revenait sans cesse, alors je me battais contre lui… A la fin c’est devenu comme un reflet dans un miroir. »