Entre les signes (8- Paradis perdu)

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8 – Paradis perdu (ordre et désordres végétaux)

Entre les signes (8- Paradis perdu)

Cette affiche datant de 1992, réalisée par les ateliers graphiques du centre Georges Pompidou annonce une exposition intitulées « Amériques Latines » consacrée aux arts (peinture, photographie, sculpture...) de cette partie du continent.

Le choix des graphiste s’est porté sur l’association d’une silhouette de la carte de l’Amérique du sud (ici retournée) reposant, comme au centre d’un pétale de fleur rose orangé. Le textedu titre de l’exposition est inscrit en blanc, tête bêche, encadrant la forme noire de la carte.

Plusieurs éléments à priori peuvent interroger : L’orientation de la carte et le choix de ce pétale de fleur et la relation établie de l’un à l’autre.

La première raison est en partie donnée par un élément textuel inscrit à gauche sous la carte : "Le Sud est notre Nord " que l’on peut comprendre comme un renversement des repères géographiques, tout autant que comme la confirmation du sens mot antipode. De même, la coupure du titre en deux Amériques (qui se lit vers le haut) et Latines (qui se lit vers le bas) amorce ce jeu de circulations visuelles et spatiales (invitation au voyage de haut en bas) avec, comme effet, d’insister sur le mot Latines*.

Ce retournement, proposition à la fois idéologique (renversement des valeurs) et symbolique (la carte peut ici être percue comme un corps) est d’abord est aussi la manifestation d’un geste résolument moderne, voir ici les oeuvres de M.Duchamp, de G.Bazelitz ou de L.Fabro… (tout trois présents dans les collections du Centre G.Pompidou.)

Lucio Fabro – Carte de l’Italie – 1962

Lucio Fabro – Carte de l’Italie – 1962

« L'esprit du Carnaval de Rio vibre dans ses couleurs et son mouvement, larges pétales blancs teintés de lavande, animés et bien ouverts sur sépales rose… ».

Entre les signes (8- Paradis perdu)Entre les signes (8- Paradis perdu)

Ce qui pourrait être une évocation du costume d’une danseuse de ce célèbre carnaval Brésilien n’est pourtant ici que la description un peu lyrique d’une fleur d’iris répondant au nom de Brazilian Holiday.

Entre les signes (8- Paradis perdu)

L’évocation par la fleur de ce continent est donc motivée à la fois par l’association pétale /confettis /carnaval /femmes /tenue légère/… mais aussi la spécificité de sa flore dont on vante les odeurs suaves.

Par ailleurs il semble que les concepteurs de l’affiche ont été attentifs à quelques détails graphiques (c’est bien la moindre des choses mais quand même !) : la découpe dentelée de la carte et du pétale, les dessins  des nervurs internes semblables à un réseau hydrographique. La couleur rouge rosée de la fleur étant bien évidemment à mettre en rapport avec celle de la carnation…. Créant ainsi une stratification de signes entre la cartographie et le corps humain.

Là encore l’association avec des oeuvres d’artistes contemporains est implicite.

Georgia Okeeffe - "Red Canna" (1970) / Yves Klein - Anthropométrie (1960) / Robert Morris - House of Veti (1983 / Anne et Patrick Poirier - Sans titre (1990))
Georgia Okeeffe - "Red Canna" (1970) / Yves Klein - Anthropométrie (1960) / Robert Morris - House of Veti (1983 / Anne et Patrick Poirier - Sans titre (1990))
Georgia Okeeffe - "Red Canna" (1970) / Yves Klein - Anthropométrie (1960) / Robert Morris - House of Veti (1983 / Anne et Patrick Poirier - Sans titre (1990))
Georgia Okeeffe - "Red Canna" (1970) / Yves Klein - Anthropométrie (1960) / Robert Morris - House of Veti (1983 / Anne et Patrick Poirier - Sans titre (1990))

Georgia Okeeffe - "Red Canna" (1970) / Yves Klein - Anthropométrie (1960) / Robert Morris - House of Veti (1983 / Anne et Patrick Poirier - Sans titre (1990))

Dès lors on comprendra que la tache noire de la carte, delta retourné (innatendu) pris dans l’ovale du pétale (comme un objet déballé, dévoilé, soit devenu par cette métamorphose l’image même d’un désir d’exploration sensuel, faille noire où le regard captif s’abîme.

 

 

Jackson Pollock - "The deep" (1953)

Jackson Pollock - "The deep" (1953)

En substance, le message de l’affiche pourrait donc être, "Aux sources dévoilées des cultures de notre monde, le vrai paradis latin est à découvrir! N’ayez pas peur de venir perdre le Nord au Sud aujourd'hui!"

[...]

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* - Le choix de ce mot d’ailleurs est intéressant puis qu’il est utilisé à la place du mot Sud, marquant ainsi la possibilité du pluriel (les Amériques Latines) et d’autre part  joue sur un effet de personnification « Les Latines ».

 

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