L'angora de Bob (compléments 3)
Plusieurs critiques ont évoqué le caractère religieux (voire christique) de Monogram. La dernière interprétation en date est celle d’un certain Kenneth Bendiner enseignant en histoire de l’art à l’Université du Wisconsin Milwaukee. On trouvera ici l’analyse intégrale (en anglais). Bendiner appuie essentiellement sa thèse à partir d’une peinture de William Holman Hunt, The Scapegoast, datant de 1855, qui représente une chèvre au bord d’un lac salé, dans un paysage désertique.
William Holman Hunt “The Scapegoat”, 1854-55
Selon l’auteur, la chèvre de Hunt, qui illustre un ancien rituel judaïque, peut être interprétée comme une figure sacrificielle (celle du bouc émissaire) et donc comme celle de la mort du Christ.
Ayant précisé par avance que Rauschenberg aurait pu prendre connaissance de cette peinture en lisant un article du catalogue de l’Exposition "Les Maîtres de la Peinture Anglaise 1800-1950", organisée au musée d’art moderne de New York en 1955, Bendiner procède à un examen attentif des différents éléments figurant dans Monogram établissant une comparaison quasi systématique avec le tableau de Hunt.
La proposition me semble un peu trop littérale, pourtant, si tel est le cas, il se peut fort que cette transposition ne se soit pas faite en faveur, mais bien plutôt en opposition, en réaction, à cette imagerie victorienne un peu compassée ainsi qu’à la croyance naïve et archaïque qu’elle est sensée véhiculer.
Dans un tout autre registre, d’autres observateurs, de l’œuvre de Rauschenberg, Adam Brook et Robert Hugues ont souligné le caractère érotique des Combines de Rauschenberg.
Robert Hughes insiste, lui aussi, sur l’implicite homosexuel de Monogram. Il suggère ainsi que la chèvre passée dans un pneu serait une sorte métaphore d’un coït anal.
On comprendra donc aisément que la seule interprétation christique de Kenneth Bendiner s’accorde assez mal avec un choix de vie qui ne correspondait guère à la morale d’une société puritaine et pudibonde.