L'angora de Bob (compléments 2)

Publié le par ap

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L'enfer


Si j’ai longtemps pensé que l’image collée dans l’un des angles du plateau de Monogram – image représentant visiblement un espace administratif (tribunal, banque, mairie, librairie ?)- avait une importance quant à sa localisation exacte, il me semble à présent que ce n’est peut-être pas tant le lieu que le contexte évoqué ici qui semble avoir une signification.

 

En fait il existe, de part le monde (et particulièrement aux Etats-Unis), plusieurs lieux qui y ressemblent, soit par les volumes, les luminaires ou encore les motifs à caissons du plafond. Aucun des lieux que j’ai croisés ne correspond à celui figurant dans l’image utilisée par Rauschenberg.

Public library, NY – Central station, NY -  Public library, Kansas – Public Library, Boston

Cependant on peut supposer que ce style architectural néo-baroque, utilisé pour des lieux très officiels, pouvait incarner, aux yeux de l’artiste, une certaine lourdeur idéologique - Extra Heavy est-il inscrit dans l’angle opposé du plateau de Monogram -, une vision empesée, passéiste et peut-être mortifère d’une certaine Amérique dans laquelle il ne se reconnaissait sans doute pas.



Une autre interprétation s’appuie sur la forme des lustres qui rappelle les cercles en entonnoir  de « l’Enfer » de Dante, représentés par exemple par Alessandro Botticelli.

 

A. Botticelli, 1490


Rauschenberg travaillera lui aussi, dès 1959, sur une série de transferts lithographiques intitulé «inferno’s drawings » qui se réfèrent explicitement au texte de Dante en utilisant, de façon très inattendue des photographies prélevées notamment dans la presse sportive. Cette thématique était donc proche des préoccupations de l’artiste à cette période.

Quant à  Monogram faut-il en déduire que cette image placée en amorce sur un coin du plateau serait une allusion discrète aux Enfers de Dante ? La présence d’une image sportive, ou disons d’une activité physique périlleuse (le funambule suspendu au dessus de l’abîme), la vision plongeante sur une foule (dont les visages sont encerclés) et sur l’aviateur (dont j’ai évoqué plus haut la probable analogie avec un ange déchu), le jeune homme en sous-vêtements les épaules tombantes (comme résigné) et enfin la présence de la chèvre (ceinturée d’un pneu) qui trône sur le plateau, tous ces éléments iconiques tendraient à nous entraîner dans la sombre tonalité du plateau, dans la spirale de ce marasme où le regard et la raison s’égarent.

De quel enfer s’agit-il ici, que sont ces ténèbres et ce chaos où nous précipite Rauschenberg ? La chèvre nous l’avons vu, est tout à la fois un élément allégorique, une figure primitive ou archaïque, une relique, une sorte d’autoportrait… Le plateau sur lequel est juché l’animal est tout aussi bien l’image d’un terrain vague parsemé des reliefs et de rebus – et de rébus! -, un territoire réel ou rêvé traversé, ou encore, comme on vient de le voir, un objet rituel détourné, retourné, renversé.

[...]

 

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Publié dans peinture

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E
Stimulante, la petite série sur Rauschenberg que j'ai lue avec attention. L'expo présentée à Beaubourg il y a exactement un an était également très stimulante mais a souffert de la cohabitation  avec Yves le Monochrome ... Dommage pour Bob.
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