Amorces (1)

Publié le par ap

Friche, La levée, Tavier sont les trois premiers textes d'un récit qui pour l'instant a pour titre "Amorces".  Je n'ai aucune idée de ce qui va advenir de ces personnages, apparus un jour de forte fièvre ... Ceci est donc une invitation à ceux qui auraient envie d'en écrire la suite  autrement dit ces amorces sont une proposition d'écriture.

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1- Friche

"Cela s’est passé rue du saut de l’ange. Le garçon déboula en prenant part à une rixe. La fille contemplait la vitrine d’un magasin de jouets où se réfléchissait un ciel bleu azur…"

Certains riaient du trop d’amour qu’elle lui portait et les autres avec leurs gueules tordues comme des carcasses, postés aux quatre coins de la décharge nous regardaient passer.


Quelqu’un hurla au milieu des objets rouillés et des pneus épars. Un gars assis sur le capot d’une berline rouge, vidait un fond de bouteille.  L’a l’gosier en pente raide, dit à mon intention, à voix basse, la femme qui m’accompagnait.

Elle était petite, cheveux bruns tenus en arrière par un chignon, un visage sec mais fin. Deux billes noires ponctuaient un teint pâle que rehaussait à peine le rose des lèvres. Le menton était enfoui dans un ample foulard bleu foncé brodé de fils dorés. C’est par là… dit-elle en me désignant du doigt une baraque. Dedans l’odeur de mazout brûlé prenait à la gorge. Une lampe à pétrole suspendue au plafond en tôles ondulées dessinait l’emplacement d’une petite table en bois où étaient amoncelés, pêle-mêle, diverses pièces mécaniques, un moteur éventré et les reliefs de repas successifs. Au delà du cercle, on devinait dans la pénombre un foutoir innommable de cartons et caisses empilés. « Au fond… » dit mon guide, précédant ma question. Décrochant la lampe, elle souleva une couverture qui masquait un passage.
Il était là, couché sur un sac de jute, à même le sol de terre battu. Couché n’est pas le mot : trop paisible pour décrire l’état de ce corps. Accroupie près de son visage la femme chassa les mouches agglutinées sur le visage tuméfié. « Ca fera trois jours qu’il est comme ça » souffla-t-elle, « il faut m’aider… soignez le ! »

 
Quand je ressorti après quelques heures, la jeune femme était debout sur le seuil. En retrait, hommes et femmes avaient formé un demi-cercle. Je serrai la poignée de ma sacoche au bout d’un bras raide. Je n’eu rien à dire. Je me noyai au fond des yeux de la femme. Je cru remarquer que le foulard était devenu vert… J’ignore si cela avait son importance.

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Elle s’était présentée dans l’après-midi au dispensaire. Je n’oublierai pas son regard. Qui peut oublier ça ?

 

Le médecin de service était sortit en consultation… une urgence je crois. Il n’y avait personne d’autre. Moi je ne suis qu’infirmier. Je ne savais quoi faire, j’ai proposé  d’envoyer le médecin dès qu’il serait de retour. A cinq heures, il n’était toujours pas rentré. J’avais fini ma journée et j’allais partir. La femme était là assise sur le banc dans le couloir. Elle s’est levée quand je passais devant elle. Les mains nouées. Je ne sais pas ce qui m’a pris. Je lui ai dit de me suivre.

Dehors, je lui ai proposé de la raccompagner. je ne sais pas pourquoi. Nous avons traversé ainsi la ville, sur mon scooter, jusqu’aux faubourgs. Je crois que je n’étais jamais venu là. J’habite de l’autre côté et, à part mes trajets quotidiens au dispensaire, je ne me déplace que très peu. Après avoir dépassé une zone commerciale et de nouveaux immeubles en construction, nous avons longé la nationale un bon moment avant de prendre un petit chemin à peine carrossable. La femme m’indiquait seulement par des gestes de bras la route. La nuit commençait à tomber quand nous sommes arrivés en front de mer. Enfin, je dis ça parce que j’ai reconnu une odeur salée qui flottait dans l’air. En fait, je n’étais venu qu’une fois sur le site portuaire, il y a longtemps. Je crois que c’était avec mon père quand il travaillait encore sur les docks. Aujourd’hui, depuis la construction de la plateforme en aval de l’estuaire, ce parc industriel est en cessation d’activité  C’est presque désaffecté si ce n'est quelques hangars qui servent encore d’entrepôts pour l’armée…

J’ai laissé le scooter le long d’un grillage, sous un lampadaire où tournoyaient des papillons. On aurait dit de la neige. On a franchi l'ancienne voie ferrée avant de pénétrer sur la friche. Des épaves d’autos empilées marquaient l’entrée d’un immense cimetière de métal…


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