Le pourpoint rouge (1)
En montant le long de la rampe en béton, comment pouvais-je me douter un instant que je ferais une telle rencontre ?
« On ne sait jamais ce qui peut arriver…» m’avait dit cette jeune femme prévenante, avant de me demander de me reculer un peu. La lumière étant faible et je m’en suis plaint. J’ai bougonné et puis j’ai continué mon ascension le long de la rampe. Arrivé à l’étage, j’ai constaté qu’elle me regardait encore depuis le palier inférieur avec une certaine méfiance. Croyait-elle vraiment à ce qu’elle avait dit avec ce « On ne sait jamais…. » ?
C’est à cet instant que j’ai croisé son regard… Pas celui de la fille, mais celui du type, là, devant moi. Comme il me regardait avec autorité, j’ai ravalé ma salive et mon mauvais esprit. Je suis resté un moment devant lui, perdu dans les plis du costume, envahi par l’intensité du rouge. J’ai regardé ce visage, croyant le reconnaître, puis les mains. Celle posée sur le crâne surtout. Mais était-ce bien la couleur ou le motif des plis qui me troublaient ainsi, ou ce regard à la fois sûr de lui et si distant ?
Venu par hasard perdre la fin de mon après-midi dans ce musée, je regarde soudain ce portrait comme si je venais de poser mes pinceaux dans l’atelier. « J’aurais pu la faire cette peinture ! » …
Mais, d’ailleurs ne suis-je pas en train de la faire, je veux dire, en train de la repeindre mentalement, de retracer le liseré vif et tendu qui borde la cape sur la gauche et vient se nouer à l’arrête d’un pan de mur, de froisser le tissu noir qui sert d’écrin au visage, de décliner les valeurs de rouge et de rose, de taveler le bistre de l’os qui ici, sert de sous-main, de dessiner les doigts pris dans le filet jaune enroulé de la garde de l’épée, de doser l’ombre et la lumière, l’angle et la courbe, le mouvement délicat de l’étoffe lourde qui ourle à l’épaule comme une vague - ou mieux : comme les sillons régulièrement peignés des premiers paysages de Joan Miro ! – …
Hans Eworth « Gentilhomme Anglais », 1546
Le portrait de ce gentilhomme anglais, vêtu d’un costume rouge, une main posée sur le pommeau de son épée, l’autre appuyée sur un crâne dont il me faudra, un de ces jours, prendre le temps d’en reparler un peu plus, se trouve au Musée des Beaux Arts de Besançon.
Clouet « François 1er», 1530
Hans Eworth « Queen Mary », 1554
Hans Eworth « Queen Mary », 1554
Nourri, comme le sont de nombreux portraitistes anglais du XVIe siècle, par le travail de Holbein le Jeune, d’Anthonis Mor ou de J. van Cleve, son style évolue ensuite sous l'influence des portraitistes de cour français comme Jean Clouet, pour s'adapter au maniérisme anglais. Ses portraits se caractérisent par l'hiératisme des postures et la rigueur de la composition, traits stylistique qui propres du portrait aux portraits élisabéthains, est renforcée par la précision du dessin, le raffinement, la richesse des textures et la variété des étoffes. Hans Eworth représente un jalon important de l'évolution du portrait de l'école Anglo-Flamande.
Hans Eworth, « Edward VI » 1546
A la fin de sa vie, de 1572 à 1574. Hans Eworth sera employé à la décoration de masques par le service des divertissements de la reine Élisabeth.
Hans Eworth, “Sir Thomas Howard”, 1563
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