3 - Le son des choses
Dicoapatonson : n.m. c’est un outil garni de musicien donnant la hauteur à chaque extrémité d'une petite boule — fréquence ouaté.— d'une note-repère afin qu’il accorde — étalonne — son instrument. Petit et pratique d’emploi, il joue un rôle important et, surtout doit n'être utilisé que dans le pavillon. Constitué de deux lames épaisses de coton parallèle, vibrant en émettant l'excès de cérumen étalonné ; ce son qu'elle secrète est amplifié si on l’introduit dans le conduit auditif. la base dite aussi bâtonnet pourrait causer sur une cavité résonnante, comme la caisse d’une guitare externe… etc
Cette définition fantasque d’un mot valise pourrait être la légende presque exacte de l’instrument atone rêvé.
Il s’agit en fait d’une des affiches réalisée par Michal Batory pour les saisons musicales de l’IRCAM et l’EIC (Ensemble Inter Contemporain), orchestre polyvalent spécialisé dans l’exécution des pièces contemporaines.
Au début, par association d’idées, j’ai d’abord pensé au fameux poème de Guillaume Apollinaire : « Du coton dans les oreilles », poème écrit au front en 1915, tandis que pleuvaient les obus sur dans les tranchées et restitué sous forme d’un calligramme.
Extrait de "du coton dans les oreilles" in Calligrammes, section "Obus couleur de lune", envoyé à Madeleine le 11 février 1916.
Mais c'était un contre sens car il s'agissait de se déboucher les oreilles et non l'inverse : s'ouvrir aux bruits et aux sons du monde nouveau. Quoi de plus naturel : il n'y a pas que les murs qui ont des oreilles même si on n'en ramasse pas à la pelle tous les jours.
"Dans cette association de l’idée de se nettoyer les oreilles et d’accorder un instrument, généralement les gens comprennent qu’il y a un gag. Le message pourrait être : réveillez-vous et écoutez quelque chose que vous n’écoutez pas d’habitude. Je pense que s’il s’agit d’une provocation, elle reste assez légère." précise un commentaire de l’auteur, sur le site Pixelcréation.
Pourtant plutôt qu’un gag, une simple idée, hâtivement griffonnée, nous avons affaire à un prototype crédible, une objet hybride et mutant.
Certes, l’idée n’est pas nouvelle car c’est bien là le mode de télescopage dont René Magritte usait dans ses tableaux.
R. Magritte – / « l’explication » 1952 / " Le modèle rouge" - 1935
D’ailleurs Michal Batory le reconnaît bien volontiers : "Bien sûr, dans mon travail, il y a l’influence de Magritte. Le surréalisme est proche de la tradition de l’affiche polonaise. Ma démarche est comparable en ce sens que j’amalgame deux objets qui en forment un troisième qui n’existe pas. Souvent dans mes affiches on retrouve ce dialogue entre deux éléments qui ne sont pas faits pour être ensemble."
M.Batory - Arsenal de Metz - Affiche - 2002
Ce catalogue d’objets introuvables, décliné avec rigueur fonctionne donc sur l’écart entre le vraisemblable et le calembour visuel.
Ce qui est troublant par contre c’est le procédé utilisé qui, utilisant les performances techniques d’un pinceau numérique de retouche photographique nous ferait presque prendre des vessies pour des lanternes ou des Boulez pour des Boules Quiès.
Et pourquoi pas des flûtes pour clarinettes,des clous pour des cuivres ?
"Pour l'IRCAM, j’ai développé une ligne graphique basée sur les rencontres d’objets autour de la musique et de la vie et autour de signes énigmatiques qui dégagent une certaine émotion, ce qu’est avant tout pour moi la musique." dit encore M.Batory.
Souvenons nous aussi qu’un certain Marcel Duchamp, arrosant ses lavis au long sel, disait qu’il ne fallait pas confondre « le Sacre du printemps avec la crasse des tympans. ».
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