Sacré caillou
(Vauvenargues, Hiver 2002.)
Un ciel plat, froid comme une plaque d'acier. La masse compacte de la montagne (vue depuis le jardin de la maison de Véronique) repose, calme et paisible dans l’air humide. C’est vert et bleu avec un peu de roux ; très peu. Parcouru de gris estompés, un peu cotonneux, la campagne semble assoupie sous les fumées âcres du chêne vert.
Vert et bleu, ces couleurs sont loin de mes souvenirs de cette saison ici. J’ai vu, vécu et oublié cette lumière d’hiver. J’ai perdu le rapport de cette harmonie en demi ton.
Vivant à Aix, je n’imaginais pas les visages de la froidure, la métamorphose des couleurs et encore moins celle du monde végétal. Je n’aurais jamais pu envisager les paquets de brume dans lesquels on circule, de l’aube à la tombée du jour, que le soleil ne peut sonder : murs opaques où le corps s’immerge, hors tout horizon, naviguant à vue - c’est là que j’ai compris l’expression « être dans le coton »-, dans la proximité des faibles repères qui, sitôt vus, déjà s’effacent.
Aujourd’hui, vivant dans l’est de
Dans le lotissement, en contrebas, l’écharpe de fumée accrochée aux branches de pins vient enfin de se libérer des aiguilles, masquant l’assise de la montagne. Soulignée ainsi, la masse rocheuse a soudainement perdu de son poids.