To Hirst or not to Hirst?
« La norme internationale ISO 8601 spécifie la représentation numérique de la date et de l'heure. Cette notation est particulièrement destinée à éviter tout risque de confusion dans les communications internationales dû au grand nombre de notations nationales différentes. De plus, cette notation a de nombreux avantages pour une utilisation informatique par rapport aux autres notations. Elle est reprise par la norme française sous la référence NF EN 28601. » Sources Wikipédia
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En juillet dernier, à Londres, était exposée (ou « révélée au public » comme on se plait de plus en plus à le dire - on révèle une œuvre au public comme on le ferait d’un dernier prototype automobile -) une œuvre de Damien Hirst intitulée « For the love of God » (Pour l’amour de Dieu), moulage d’un crâne humain en platine, incrusté (ou plutôt recouvert) de diamants, 8601, pour être précis. Prévu pour une mise en vente aux enchères pour la valeur de 100 millions d’euros, l’objet a finalement été acheté par un groupe d’investisseurs, pour la modique somme (ou la « maudite somme » comme j’ai pu le lire dans un billet) de 50 millions de livres (soit 74 millions d’euros), permettant ainsi à l’artiste d’obtenir, en plus du pactole, le statut « d’artiste vivant le plus cher ».
Certes, ce petit crâne tapissé est fascinant et beau comme le serait un bijou, mais ce n’est quand même pas la première fois, dans l’histoire des arts que ce genre d’objet voit le jour. Les grandes civilisations égyptiennes ou amérindiennes (Maya Aztèques…) avaient déjà - et pour ces dernières bien avant la conquête de l’El Dorado - façonné des pièces semblables, et on compte par millier les châsses et autres reliquaires ornementés de pierreries ou de feuilles d’or, qui constituaient le Trésor de l’Eglise… Plus proches de nous, glissant du sacré au profane, les grands joailliers, les couturiers ont su faire appel à certains artistes pour réaliser des bijoux d’art (ou des « produits dérivés » comme on le dit encore) ou aux talentueux designers et graphistes pour habiller des produits de luxes ou décorer des intérieurs de nababs, de restaurants huppés…
La question que pose ce crâne pavé de diamants scintillants est double. D’un côté celle de sa valeur (artistique, artisanale autant qu’économique) et de l’autre celle de son sens (esthétique, politique… ?).
Concernant le premier point, force est de constater que c’est encore une fois la vieille recette duchampienne du ready-made (aidé et redoré) qui est ici à l’œuvre, avec cependant quelque chose de moins subtile parce que, à mon goût, plus clinquant et désèpérament cynique. En soi, on peut se dire pourquoi pas après tout, puisque l’objet est d’abord un pur produit de spéculation, une sorte de placement boursier, sa valeur étant d’abord liée non à sa réalisation artisanale, mais bel et bien à la matière première qui le compose. Ce qui en fait un objet d’exception, ce sont les diamants et leurs côtes en bourse : ce qui est rare est cher, etc…. Le diamant l’est, c’est une certitude pour l’économie mondiale! Mais en quoi l’objet produit de Hirst le serait-il ? Et finalement comment différencier cette œuvre d’art contemporaine d’un crâne sur-modelé de Syrie ou d’une vraie relique du Bénin couverte de terre glaise, ou de toute autre texture chargée?
Ceci nous conduit au second point, celui de la signification, voire de la nécessité de réaliser ce moulage de boite crânienne tapissé de brillants ? On notera d’abord que, contrairement à ce que suggère son titre (Pour l’amour de Dieu), cet objet n’est pas lié apparemment à un rite religieux, ni non plus issu (ou inscrit) dans un processus à caractère sacré. De quel Dieu parles-t-on ? De quel amour est-il question ? Où se situe la subtilité de l’artiste, à compter qu’il y en ai une ? On peut toujours resservir l’argument de la vanité, mais il est ici si platement décliné qu’il en est presque ridicule. On peut se réfugier derrière un certain goût de la dérision, de la provocation ou du culot cynique du geste, mais tout cela relève d’un tel conformisme de pensée, d’un tel académisme que ça en devient réellement indigent, si non indigeste.
Alors quoi : le simple appât du gain ? Peut-être que oui, tout simplement. Mais dans ce cas, au titre de cette œuvre il faudrait, ajouter un L pour révéler enfin son sens cachet (sans se cacher) :« For the love of GoLd».
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* Cet objet d’art, ou cet investissement (tout dépend du point vue), illustrait la couverture du Courrier international n° 932, de septembre 2008, titré: « Ceux qui ignorent la crise : Les ultra-riches vous saluent bien ».