Reliefs de vie
Un bref séjour dans le sud, pour vider l’appartement qu’occupaient mes parents. Quelques meubles et des bibelots, les reliefs d’une vie. Par où commencer le tri : jeter, donner, garder… ? Des cartons s’empilent contre un mur du séjour. Trois ou quatre, pas plus. J’ai retrouvé une toile ancienne à la cave, conservé les outils de mon père, mis de côté un peu de vaisselle, mais très peu.
Toulon est une drôle de ville ! En façade c’est plutôt propret, les aménagements modernes et la décoration récente des quartiers chics de la corniche contrastent avec l’état de délabrement de cette zone dite d’activité. Au bas d’une route cabossée, qui conduit à un terre-plein truffé d’ornières, des camions manoeuvrent entre des bennes rouillées posées dans les déchets. La poussière et les mouettes tournent sur cette friche sale. Deux employés s’activent en faisant le va et vient entre le portail et le lieu de stockage des déchets, pour contrôler les entrés et le tri.
Je me dis aussi que les gens responsables du choix de ce site doivent être inconscients ou cyniques car, à quelques mètres à peine, derrière le grillage ornée de sacs plastiques et de papiers, se dresse l’enceinte du cimetière, celui-là même où sont enterrés mes parents et plus de la moitié de la ville. Or je ne suis sans doute pas le seul à venir ici vider la maison d’un mort, mettre aux ordures tout ce qu’il a laissé en partant. D’un côté du mur on met en terre en grandes pompes, de l’autre on bazarde de vieux matelas, des meubles en formica, de l’électroménager usagé… D’un côté les corps de l’autre les objets. Un camion s’approche d’une benne qui dégorge, un bras d’acier s'en saisit, la lève doucement, la charge et s’en retourne vers l’usine d’incinération dont la haute cheminée rouge recrache, dans une fumée bleue pâle, tous les restes qu’elle ingère. Je regarde une chaise en bois posée de guingois sur un talus de terre où résiste un arbuste chétif.